2/03/2021 : Le ténia des ovins

Source : www.gdscreuse.fr « Le ténia des ovins – 24 février 2021 »

Le ténia des ovins
Une problématique sanitaire et économique importante

Monieziose chez les moutons : Le ténia est un parasite majeur des ovins, surtout les agneaux. Le recours à une gestion sanitaire raisonnée reste la meilleure piste pour l’avenir.

Les agneaux sont très sensibles au parasitisme et on observe ces dernières années une recrudescence du ténia avec des difficultés de gestion dans certains élevages.

Moniezia expansa, le ténia des ovins

C’est un parasite de la classe des cestodes et de la famille des anoplocéphales. De forme rubanée, il est composé de segments disposés en chaîne, le strobile, et munis à leur extrémité antérieure d’un organe de fixation, le scolex. Adulte, sa longueur est de 3 à 5 m, pour une largeur de 1 à 2 cm, avec une croissance très rapide (2 cm à 4 semaines, plus de 2 mètres à 7 semaines). Le scolex porte 4 ventouses saillantes lui permettant de se fixer. Dépourvu de tube digestif, il s’alimente au contact des matières intestinales.

La présence d’un hôte intermédiaire, l’oribate, est indispensable pour boucler le cycle de Moniezia expansa.

Un hôte intermédiaire, l’oribate…

C’est un acarien microscopique vivant dans le sol et on peut en trouver jusqu’à 10.000 par m². Il est mobile, se déplace sur les végétaux mais insuffisamment pour disséminer le parasite d’une pâture contaminée à une saine. Il préfère les prairies acides, humides, riches en mousse et pâturées en permanence ; on le rencontre plus rarement sur des terres cultivées. Sa longévité peut atteindre 12 à 18 mois, il est peu sensible aux variations thermiques mais il craint la sécheresse. L’oribate est essentiellement coprophage et s’infeste en ingérant les œufs contenus dans les crottes des moutons parasités. Les embryons sont libérés dans le tube digestif de l’acarien, ils gagnent la cavité générale et se transforment en larve cysticercoïde. Un seul oribate peut en loger 3 à 4 et nombreux sont ceux qui n’y survivent pas. Le développement des larves se fait en 2 à 3 mois à 25°C, plus lentement à température inférieure. Elles peuvent vivre aussi longtemps que leur hôte, soit 12 à 18 mois et comme eux seront détruites par la sécheresse ou résisteront à l’hiver.

… et un hôte définitif, le mouton

L’agneau s’infeste par ingestion de l’oribate lors d’un repas d’herbe ; la larve est libérée dans l’intestin grêle où elle se fixe sur la muqueuse grâce au scolex larvaire. Un ténia capable de pondre sera formé en 4 à 6 semaines environ (période pré patente). Moniezia est un ver hermaphrodite dont les segments successifs sont indifférenciés pour les antérieurs, mûrs pour les intermédiaires, ovigères pour les postérieurs, chacun de ceux-ci pouvant contenir jusqu’à 10.000 œufs embryonnés. Les œufs sont libérés dans le milieu extérieur lors de l’expulsion des segments ovigères avec les fèces et leur éclatement. Leur résistance dans le milieu extérieur est conditionnée par l’hygrométrie : 1 mois en milieu sec, 4 mois en milieu humide ; ils sont sensibles au gel et aux UV, ainsi qu’aux variations thermiques (détruits en 1 à 3 jours à 45°C, en 20 à 25 jours à 30°C).

Une action mécanique au niveau des intestins…

Les ténias exercent leur activité pathogène par perturbation du transit, irritation mécanique par les scolex et les mouvements du parasite, sécrétion de substances toxiques et action spoliatrice, notamment en vitamine B1 ou en méthionine. Un ténia peut vivre 5 mois mais une immunité est acquise au bout d’une période de contact de 2 à 3 mois, par des réactions anaphylactiques dans l’intestin grêle, rendant difficile la survie des Moniezia. On constate cependant que des brebis restent porteuses de ténia, sans clinique.

… et des signes cliniques peu caractéristiques

Les agneaux sont plus sensibles que les adultes, notamment si l’état d’entretien est médiocre ou s’il y a surpâturage. Le téniasis est une maladie à caractère saisonnier, printemps et automne, qui touche surtout l’agneau d’herbe. Elle se manifeste par un état de subanémie, une laine sèche, cassante, « frisottée ». On peut également observer diarrhée, constipation ou ballonnement. La croissance est retardée et on peut noter la présence d’anneaux dans les crottes et autour de l’anus. Des complications infectieuses d’entérotoxémie peuvent survenir rendant nécessaire une vaccination. Ces signes cliniques sont peu caractéristiques et le recours aux analyses coprologiques peut s’avérer nécessaire, d’autant que d’autres parasites internes sont fréquemment associés (coccidiose, strongyloïdose, nématodirose…). Vous pouvez vous appuyer sur le kit parasitologie de GDS Creuse

Une infestation des pâtures par les animaux contaminés

Elle se réalise uniquement à la faveur de déplacements de lots ou de troupeaux parasités. Elle se pérennise ensuite par la survie hivernale des oribates contaminés dans des parcs humides et recouverts de mousse et d’humus. Les prairies artificielles réensemencées après labour perturbent la vie des oribates et les exposent à la sécheresse.

On observe 2 pics d’excrétion, au printemps et à l’automne, liés à la mise à l’herbe d’animaux naïfs et aux facteurs météorologiques.

Une action sur les ténias…

Le recours aux ténicides est encore la règle mais il nécessite une bonne connaissance du cycle du ténia et de la période pré-patente. Trop tôt, le traitement sera inutile car il n’y a pas de parasite adulte, cible des produits. Trop tard, de nombreux œufs auront été expulsés, contaminant les parcelles. Par ailleurs, les ténicides habituellement employés n’ont pas d’action ovicide et la lyse des segments ovigères expulsés permet le réensemencement du milieu extérieur. Les agneaux traités doivent donc séjourner au moins 24 heures en bergerie avant d’être remis en pâture et le fumier épandu sur des parcelles de culture. Un traitement est recommandé dès l’apparition de segments ovigères et à défaut, 3 traitements à 4 semaines d’intervalle après la mise à l’herbe.

… et les oribates

Compte-tenu de l’espérance de vie des oribates, une gestion du ténia basée sur la rotation des parcelles est vouée à l’échec. Cependant, des mesures peuvent limiter l’impact des ténias sur les agneaux : faire pâturer des prairies récentes, clôturer les bordures et détruire les oribates par hersage ou labour profond des prairies, permettent la destruction des mousses et l’inhibition de la formation d’humus. Pour diminuer l’acidité du sol, des alcalinisants peuvent aussi être utilisés (chaux, Cyanamide Calcique). Cette gestion des parcelles est probablement la piste la plus intéressante pour la maitrise de ce parasite.

 

Une gestion de ce parasite qui doit prendre en compte les connaissances récentes

Comme pour tous les parasites, l’utilisation répétée de traitements peut conduire à l’apparition de résistances et c’est particulièrement vrai chez les petits ruminants. La gestion du ténia doit passer par une bonne connaissance du cycle de ce parasite, le recours à des traitements raisonnés et la mise en place de mesures sanitaires globales. […]

Si vous êtes confrontés à ce genre de problème, vous pouvez contacter votre vétérinaire ou votre GDS.

Dr Boris BOUBET – GDS Creuse

Remerciements aux Drs Pierre AUTEF et Bruno SALESSE