Des sécheresses à répétition. Les risques sanitaires induits, l’adaptation de la prévention

Source : GDS Creuse – http://www.gdscreuse.fr

Article du 21/08/2019 initialement rédigé par les docteurs Boris BOUBET et Didier GUERIN – GDS Creuse

Et adapté pour les GDS des Hauts-de-France par Aude BRULIN

 

Canicule et sécheresse => La chaleur et la sécheresse induisent des risques sanitaires à bien connaître pour adapter votre conduite d’élevage et ainsi limiter les conséquences sur votre cheptel.

Les épisodes de sécheresses impactent les productions agricoles mais génèrent également des risques sanitaires. Cela demande donc d’adapter la gestion globale et le plan de prévention de votre élevage.

 

Apporter de l’eau en quantité et de qualité

Selon les conditions, le besoin quotidien d’eau d’un bovin adulte varie de 50 à 100 litres, voire plus, la chaleur accroissant les besoins en eau. Tout déficit en eau bue impactera la production. Au-delà de la quantité, des critères de qualité sont déterminés pour l’eau d’abreuvement des ruminants. Les bovins sont très sensibles au goût, à l’odeur et à la température de l’eau, ils boivent moins si elle n’est pas de qualité satisfaisante et la production diminue (moins 15 % de croissance sur les taurillons, baisse de la production lactée…). Lors de dépassement des normes physico-chimiques et bactériologiques, les problèmes sanitaires sont favorisés. L’été, le rapport risque/bénéfice est à étudier pour chaque ressource en eau. Les eaux stagnantes (mare, étang…) sont les plus à risque et donc à éviter. Leur charge microbienne est élevée, avec un risque de pathologies comme la salmonellose ou la leptospirose. La présence de matière organique interdit la décontamination par le chlore car il induit la fabrication de composés toxiques, les chloramines. Les conseils en matière de pompage pour abreuver les ruminants peuvent donc être les suivants : privilégier les eaux de qualité garantie (réseau, forage, voire puits s’il a été analysé), à défaut de l’eau circulante qui apparait limpide et ne recevant pas de sortie d’égout ou de fosse septique en amont. Vous pouvez également vous rapprocher de votre mairie pour voir s’il n’existe pas d’anciens captages abandonnés destinés à l’alimentation en eau potable mais qui peuvent être une solution ponctuelle pour l’abreuvement des animaux sous réserve qu’une analyse de cette eau soit réalisée.

Les bovins sont très sensibles à la chaleur. Dès 20-22°C, ils ont du mal à s’autoréguler. La taille de leurs poumons les handicape. Leur capacité pulmonaire est trois fois inférieure à la nôtre, à poids équivalents ! Cela implique de privilégier l’ombre et la fraicheur. Au pâturage, les parcelles ombragées sont essentielles. En bâtiment, la ventilation et la brumisation sont bénéfiques. La nuit, le bâtiment sera ouvert au maximum pour créer des courants d’air pour le rafraichir. En journée, il sera fermé afin de laisser rentrer le moins de chaleur possible. Toutes les manipulations de troupeaux sont à éviter en début et milieu d’après-midi.

 

 

Assurer un encombrement

Du fait de la chaleur, les besoins d’entretien des animaux sont moindres et les bovins allaitants peuvent supporter une alimentation déficitaire si elle est limitée dans le temps. Les ruminants nécessitent avant tout un apport de fourrages fibreux en quantité adaptée au volume ruminal pour assurer un bon fonctionnement de la panse. Un apport insuffisant de lest entraînera, chez les adultes, une sensibilité accrue aux dysfonctionnements du rumen (acidose, alcalose, coliques hydriques…) et chez les jeunes, en particulier les veaux sous la mère, une insuffisance de développement des réservoirs gastriques (réseau, rumen, feuillet) irréversible.

 

Limiter les insuffisances énergétiques et protéiques

Une sous-alimentation énergétique entraînera, chez le jeune une croissance diminuée qui ne pourra pas être compensée et chez l’adulte, si elle dépasse 15 %, une atteinte de la fonction de reproduction (problèmes de fécondité ultérieure et de développement fœtal) et une fragilisation du veau naissant. L’apport de fourrages peut éventuellement être complété par un complément énergétique (céréale, mélasse). Il est souvent plus difficile de couvrir les besoins protéiques. L’azote est nécessaire pour assurer les productions de lait et de viande et pour la synthèse des éléments de défense et de fonctionnement (hormones, enzymes, immunoglobulines…). Une ration restreinte de 45 % en besoin protéique entraîne une baisse de la quantité de colostrum et des veaux chétifs.

 

Une complémentation en vitamines AD3E indispensable lors de sécheresse

Une alimentation à base de fourrage sec apportera de manière insuffisante les vitamines liposolubles (AD3E). Les besoins étant accrus autour du vêlage et au moment de la mise à la reproduction, environ 2 mois après le vêlage, l’apport des vitamines AD3E se fera 2 mois avant le vêlage et autour du vêlage. Il sera apporté 5 millions d’unités de vitamine A par cure, soit sous forme orale à raison d’un million d’unité de vitamine A par jour pendant 5 jours (10 ml d’une solution pure d’AD3E par jour pendant 5 jours) distribué dans l’eau de boisson ou sur les aliments, soit sous forme injectable à raison de 5 millions d’unités de vitamine A par injection (10 ml d’une solution injectable d’AD3E). Cela représente un coût inférieur à 1 € H.T. par vache et par cure. Vu le rapport coût/apport pour l’animal, cette mesure s’avère indispensable lors de sécheresse.

 

Complémenter de manière plus importante en minéraux : macroéléments, oligoéléments… sans oublier le sel

La sécheresse impacte aussi la minéralisation. Les fourrages sont moins bien pourvus et l’ingestion de terre (pâturage au ras du sol) entraine la présence de minéraux en excès (fer, manganèse…) antagonistes de certains oligoéléments d’où la nécessité de renforcer la complémentation. Pour les macroéléments (phosphore, calcium, magnésium), l’apport est à réaliser pour les animaux nourris avec des fourrages conservés (foin, paille…). Pour les oligoéléments, la période autour de la mise-bas (deux mois avant, deux mois après) est primordiale. La complémentation sera donc mise en place dès deux mois avant la mise-bas sous forme d’aliment minéral ou de bloc à lécher. Un apport spécifique en sélénium et en iode sera à effectuer. Enfin, il ne sera pas oublié l’apport systématique en sel (chlorure de sodium) avec une pierre de sel à disposition de tous les animaux toute l’année. En cas d’absence de sel depuis plusieurs semaines, la remise à disposition sera progressive pour éviter une intoxication au sel par surconsommation dans les 1ers jours.

 

Faire attention aux intoxications alimentaires, notamment les glands

Avec la sécheresse, les ruminants peuvent consommer des plantes qu’ils n’auraient pas mangées en situation normale avec plus de 240 plantes impliquées dans les intoxications. On peut citer les photosensibilisations liées au millepertuis, les hématuries dues à la fougère grand aigle ou les troubles nerveux liés à l’ingestion de séneçon ou de morelle noire. L’intoxication la plus fréquente est due aux glands. Les années de sécheresse, les chênes produisent plus de glands qui tombent souvent plus tôt. La toxicité étant due aux tanins qui disparaissent avec la dessication, le risque est maximal en début d’automne et diminue quand les glands se dessèchent. On observe une toxicité immédiate, avec des troubles digestifs, mais surtout une atteinte rénale et hépatique plus insidieuse qui va conduire à terme à la mort de l’animal. La mise à disposition de fourrage limite le risque, mais certains bovins dans un lot deviennent « accro » et ne mangent plus que cela.

 

 

 

L’évolution de la climatologie va demander l’adaptation de vos pratiques fourragères, en optimisant les récoltes de printemps, en valorisant la repousse automnale dans les cas où elle pourra être présente et en développant de nouvelles pratiques (méteil, dérobées…).

 

Surveiller les infestations parasitaires en strongles puis en grande douve

Pour les strongles, la sécheresse constitue un frein à leur développement : moins d’herbe à pâturer donc moins de possibilité de contamination, plus de destruction de larves. La situation reste cependant à surveiller, en fonction de la clinique et des résultats d’analyse.

Pour la grande douve ou le paramphistome, le risque d’infestation est augmenté du fait d’un séjour prolongé sur les zones humides lié à la raréfaction de l’herbe. Un diagnostic avec coprologie et sérologie Fasciola s’impose en début d’hiver.

 

Adapter de manière spécifique votre conduite d’élevage

Les épisodes de sécheresse entraînent de graves difficultés pour la mise en place d’un plan fourrager cohérent avec des répercussions d’ordre sanitaire. Dans chaque élevage, une réflexion sur sa production fourragère est nécessaire, prenant également en compte l’éventuelle repousse d’herbe automnale et le pâturage en arrière-saison. Une identification des risques sanitaires est à réaliser avec la mise en place d’actions correctives à court et moyen termes en fonction des possibilités.